202401.27
Off
0

La Région de Bruxelles-Capitale ne pouvait classer une partie de la collection du Musée royal de l’Armée et d’Histoire Militaire (située dans les galeries courbes) par extension comme monument

C’est ce qu’a décidé le Conseil d’État dans un arrêt prononcé avant-hier (n°258.176 du 7 décembre 2023) qui clôture une procédure lancée en 2018 et qui a fait l’objet d’un arrêt de la Cour constitutionnelle sur question préjudicielle (n°120/2022 du 13 octobre 2022). 

La compétence des Régions en matière de monuments et sites porte sur le patrimoine immobilier. Toutefois, les Régions peuvent se fonder sur la théorie des pouvoirs implicites, consacrée par l’article 10 de la loi de réformes institutionnelles du 8 août 1980, pour protéger des biens mobiliers associés à un bien immobilier protégé ; cet enseignement ressort notamment de la célèbre affaire du Palais Stoclet. Mais ceci ne peut se faire à n’importe quelle condition. Comme le rappelle le Conseil d’État dans son arrêt, une telle compétence « doit se limiter aux seuls biens qui font partie intégrante de ce bien immobilier et cette notion doit faire l’objet d’une interprétation stricte ». Il échet donc de vérifier in concreto si les biens mobiliers classés font effectivement partie intégrante du bâtiment qui les abrite. 

De surcroît, lorsque le classement décidé par une Région touche à la compétence de l’autorité fédérale – comme c’est le cas dans l’affaire commentée puisque le Musée de l’Armée relève de sa compétence en matière de gestion des établissements scientifiques fédéraux –, il ne peut mettre à mal le principe de loyauté fédérale, établi par l’article 143, § 1er, de la Constitution. Tel est le cas « si [le] classement (…) rend (…) impossible ou exagérément difficile l’exercice par l’autorité fédérale de sa compétence (…) ». 

Le Conseil d’État a constaté in casu que l’arrêté de classement annulé n’exposait pas en quoi les objets visés par celui-ci faisaient partie intégrante du Musée de l’Armée, mais se fondaient en réalité sur la volonté de protéger un « concept scénographique ». Or, il ne peut être inféré de l’étude historique et architecturale du bâtiment abritant le Musée de l’Armée et des objets qui y sont exposés que ces derniers « auraient été spécialement fabriqués en tenant compte de leur aspect décoratif en vue de leur installation dans cette galerie ». 

Il faut saluer cette décision qui rappelle le caractère exceptionnel du classement de biens meubles par les Régions ainsi que la nécessité, pour celles-ci, de motiver précisément et expressément les liens indissociables qui doivent unir les objets classés au bâtiment qui les abrite. Comme nous l’avons toujours soutenu, la jurisprudence du Palais Stoclet a ses limites… 

Ilias NAJEM

Avocat au barreau de Bruxelles 

Assistant à l’Université libre de Bruxelles