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La procédure d’expropriation fondée sur la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d’extrême urgence en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

En règle, l’expropriation est définie par la doctrine comme étant une voie de droit par laquelle l’autorité publique acquiert, en vue de l’exécution de travaux ou pour d’autres fins d’intérêt général, la disposition de biens immeubles alors que les voies normales ne pourraient aboutir à pareil transfert de propriété.

La procédure mise en place par la loi du 26 juillet 1962 –soit la procédure d’extrême urgence– est devenue la procédure ordinaire, à savoir celle qui est systématiquement utilisée par les pouvoirs expropriant. La Cour constitutionnelle elle-même, a considéré que « la procédure d’extrême urgence organisée par la loi du 26 juillet 1962 est devenue la seule procédure appliquée par toute autorité expropriante, sauf dans les cas où une procédure particulière est organisée par le législateur fédéral » (C. Const., 18 septembre 2002, n° 131/2002).

Après avoir abordé la notion « d’utilité publique » (point I ci-dessous), nous envisagerons cette procédure particulière qui s’organise en deux phases, l’une administrative (point II ci-dessous), l’autre judiciaire (point III ci-dessous).

I. L’utilité publique

Il s’agit d’un concept aux contours imprécis et intimement lié à une certaine conception de l’organisation sociale. Son contenu doit donc pouvoir évoluer, s’adapter aux nécessités du temps. La seule certitude qui peut se dégager des nombreux écrits de droit administratif à ce sujet est que l’expropriation doit trouver sa justification dans la satisfaction d’un « intérêt public ».

« L’utilité publique » peut être comprise dans une acceptation assez large.

En effet l’expropriation peut bien entendu permettre à une autorité publique d’acquérir un bien qui sera affecté à l’usage public (par exemple pour réaliser une voirie). Dans ce cas, l’expropriation profite directement à l’autorité publique concernée.

Cependant, une expropriation peut aussi profiter d’abord à un particulier : dans certains cas, en effet, même si l’acquisition forcée du bien bénéficie directement à un particulier, l’utilité publique est satisfaite par l’usage que celui-ci en fera.

Rappelons que « l’utilité publique » à la base de toute procédure d’expropriation peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, tant par les juridictions judiciaires que par le Conseil d’Etat. En ce qui concerne les cours et tribunaux, le contrôle porte tant sur la légalité externe que sur la légalité interne de l’arrêté d’expropriation (voy. Cass., 3 mars 1972, Pas., 1972, I, p. 601).

II. La phase administrative

§1er Décision du conseil communal

En amont de la procédure, il appartient au pouvoir expropriant de décider de procéder à l’expropriation pour cause d’utilité publique.

La compétence de décider de cette expropriation est déterminée par la législation organique du pouvoir expropriant.

Cette décision doit constater, d’une part, l’utilité publique à exproprier le bien concerné et, d’autre part, le fait que la prise de possession immédiate du bien est indispensable pour cause d’utilité publique. Celle-ci doit également identifier les biens à exproprier, au besoin par le biais d’un plan d’expropriation annexé à cette décision.

Cette délibération doit, ensuite, être transmise à l’administration régionale pour que le Gouvernement régional se prononce sur l’expropriation.

§2 L’arrêté d’expropriation

La procédure se poursuit ainsi par l’adoption d’un arrêté du Gouvernement décidant de recourir à la procédure d’extrême urgence et déclarant que la prise de possession immédiate est d’utilité publique.

L’arrêté d’expropriation doit être publié au Moniteur belge dans le mois de sa date (même si une publication par extraits suffit).

En principe, cet arrêté ne devra être précédé d’une enquête publique que si le fondement légal de l’expropriation est la législation en matière d’aménagement du territoire.

§2 Les négociations amiables et l’intervention du Comité d’acquisition

Ensuite, s’ouvre la phase des négociations amiables avec les propriétaires des biens expropriés. Cette phase a pour objectif d’aboutir à une vente amiable de l’immeuble concerné, et qui porte tant sur la cession du droit dont l’expropriation est poursuivie que sur la fixation de l’indemnité. La vente amiable remplace alors le jugement provisionnel (voy. ci-après) et est régie par le droit commun.

Suivant la jurisprudence récente, cette phase n’est pas une condition de recevabilité de la procédure judiciaire, ni une formalité substantielle (voy. J.P. Saint-Josse-ten-Noode, 15 févr. 1995, R.G. n°950098). Elle n’est donc pas une étape obligatoire.

Ces négociations sont le plus souvent menées à l’intervention des agents du comité d’acquisition d’immeubles (il s’agit de fonctionnaires de l’administration de la TVA, de l’enregistrement et des domaines).

Cette autorité (comité d’acquisition) effectue toutes les démarches au nom et pour le compte du pouvoir expropriant. C’est le comité d’acquisition qui détermine la valeur du bien et prend contact avec les propriétaires concernés.

La durée de cette phase de négociations sera variable d’un cas à l’autre. Tout dépendra de la volonté des propriétaires expropriés de conclure rapidement ou non un accord amiable, et de la rapidité que souhaitera imprimer le pouvoir expropriant à cette phase amiable.

Si les négociations ne peuvent aboutir, le Comité d’acquisition adresse généralement aux intéressés une ultime proposition amiable, par envoi recommandé. En l’absence de réaction positive, le Comité, ou à défaut, le pouvoir expropriant ou son conseil, dépose la requête en expropriation devant le Juge de paix.

III. La phase judiciaire

§1er Introduction de la procédure devant le Juge de paix et la comparution sur les lieux

Conformément à l’article 3 de la loi du 26 juillet 1962, l’expropriant doit déposer au greffe de la justice de paix une requête tendant à voir fixer par le juge, la date et heure de la comparution sur les lieux de toutes les parties concernées.

Dans les huit jours du dépôt de cette requête, le Juge de paix, par voie d’ordonnance :

d’une part, fixe le jour et l’heure où doivent comparaître sur les lieux à exproprier l’expropriant, les propriétaires et les usufruitiers des emprises ;

d’autre part, désigne un expert chargé de dresser l’état descriptif des biens à exproprier et le rapport d’évaluation (article 4 de la loi du 26 juillet 1962, précitée).

La comparution sur les lieux doit avoir lieu au plus tard le 21ème jour qui suit le dépôt de la requête.

Huit jours au moins avant le jour fixé pour la comparution, l’expropriant cite les propriétaires et usufruitiers, à être présents sur les lieux aux jour et heure fixés par le juge et à assister à l’établissement de l’état descriptif des lieux (article 5 de la loi du 26 juillet 1962, précitée).

§2 Le jugement provisionnel

Au plus tard dans les 48 heures de la comparution, le Juge de paix statue sur ces questions de légalité et, s’il estime la procédure régulière, fixe le montant de l’indemnité provisionnelle.

Il s’agit du jugement provisionnel qui a pour effet de transférer le droit de propriété dans le patrimoine du pouvoir expropriant (Cass., 21 octobre 1966, J.T., 1967, p. 261).

Afin de pouvoir entrer en possession des lieux, le pouvoir expropriant doit déposer le montant de cette indemnité à la Caisse de dépôts et consignations et en faisant signifier aux expropriés, notamment, le jugement fixant l’indemnité provisionnelle.

Ce jugement provisionnel n’est pas susceptible de recours (article 8 de la loi du 26 juillet 1962, précitée). Seul l’expropriant, s’il est débouté par le Juge de paix, peut interjeter appel auprès du Tribunal de première instance (article 7, alinéa 3 de la loi du 26 juillet 1962, précitée).

§3 L’expertise

Par son ordonnance « de comparution » précitée, le Juge de paix désigne donc un expert chargé de dresser l’état descriptif des biens à exproprier (délai de 15 jours) ainsi qu’un rapport d’évaluation des indemnités (délai de 30 jours).

§4 Le jugement provisoire et indemnités de procédure

Après le dépôt du rapport de l’expert sur l’évaluation des indemnités, le juge entend les parties puis fixe, à titre provisoire, le montant des indemnités dues du chef de l’expropriation.

Il s’agit du jugement « provisoire » car il fixe les indemnités à titre provisoire, c’est-à-dire sous réserve d’un recours en révision que chacune des parties peut introduire auprès du Tribunal de première instance.

Le jugement provisoire doit être prononcé au plus tard dans les 30 jours qui suivent le dépôt du rapport (article 14, alinéa 2 de la loi du 26 juillet 1962, précitée). L’inobservation de ce délai n’est cependant pas sanctionnée par loi (et, dans les faits, il est souvent dépassé).

En vertu du jugement provisoire, l’expropriant dépose à la Caisse des dépôts et consignations dans le mois du prononcé, le montant de l’indemnité provisoire qui excède celui de l’indemnité provisionnelle (article 15, alinéa 1er de la loi du 26 juillet 1962, précitée).

Lara THOMMES